mercredi 26 octobre 2011

Voyage à Hampi, du 18 au 21 octobre 2011

Jour 1 :

Karine et moi profitons que les enfants sont encore à l’école durant une semaine pour faire une petite escapade de deux jours à Hampi, à la découverte de cette ancienne capitale de l’Inde du Sud (entre le 14ème et le 16ème siècle). Le nom d’origine de cette cité était « Vijayanagar » qui, en langue Kanada, la langue du Karnataka, signifie « ville de la Victoire » (Vijaya = victoire et Nagar = ville). Actuellement les vestiges de l’ancienne capitale s’étendent sur 2600 ha et sont divisées en deux grandes parties : la ville sacrée située au Nord et la ville royale au Sud.

Hampi, 337 km de Bangalore



Un (tout) petit peu d’Histoire :

La ville aurait été fondée vers le milieu du 14ème siècle par trois frères : Harivana, Kampa et Bukka. Ils se donnèrent comme mission de protéger l’hindouisme et de contenir les invasions musulmanes venues du Nord. Les rois successifs ont également installé leur suprématie sur les territoires du Sud tels que ceux des Hoysalas ou encore ceux occupés par les armées des Sultans de Delhi.

Le royaume atteint son apogée au 15ème siècle avec 500.000 habitants : de nombreux voyageurs étrangers (italiens, portugais, persans, arabes) y séjournent, des commerçants du monde entier viennent y négocier diamants et pierres précieuses, sans oublier le commerce des chevaux, perles, épices et riches étoffes.
Deux dynasties s’imposèrent ; celle des Saluvas entre 1486 et 1505 et celle des Tuluvas entre 1505 et 1570. Khrishnadevaraya fut un des plus grands rois Tuluvas. Protecteur des arts et des lettres, il était aussi un homme de guerre avisé.

Malheureusement, en 1565, c’est la fin brutale de l’empire avec l’invasion musulmane des royaumes du Nord qui écrase les troupes hindoues à la bataille de Talikota. Pillée durant cinq mois, il ne reste de la grandiose capitale « Vijayanagar » que des ruines. Kali, notre guide nous raconte qu’il y a une légende à propos du roi de l’époque, Ramarâya, qui aurait été trahi par une de ses épouses qui était musulmane : à son insu, elle aurait fourni des uniformes hindous à l’ennemi. Durant la bataille, cela aurait alors permis à quelques soldats musulmans de s’approcher facilement de Ramarâya et de le décapiter. Une fois sa tête exhibée, son armée abandonna tout espoir et perdit la bataille.



Après 7 heures de route en voiture (un trajet d’ailleurs plutôt agréable jalonné de nombreux paysages campagnards et de très belles vues), nous arrivons vers 16:00 au Shanti Guest house où nous sommes accueillies dans une ambiance simple mais chaleureuse. Comble de chance, on nous désigne le « chalet » n°36, situé tout à l’arrière avec la vue sur les champs. Le confort est rudimentaire ce qui ne nous gêne pas outre mesure, par contre les matelas, c’est du … béton ! Gare aux courbatures pour ceux qui sont fragiles du dos … Le temps de prendre possession des lieux, il est déjà trop tard pour entamer quoi que ce soit alors, nous nous baladons un peu, histoire de s’imprégner de l’atmosphère du lieu et prenons un souper léger face au coucher de soleil.

Ensuite, dodo, les visites commencent demain et nous nous lèverons tôt afin de profiter un maximum de la fraicheur matinale.


Sur la route vers l'embarcadère
Le lendemain, petit déjeuner vers 7h pour arriver à l’embarcadère aux environs de 8h. En effet, notre guest house se trouve de l’autre côté de la rivière et, afin d’éviter un détour d’une heure par la route, il nous faut prendre une petite embarcation pour accéder sur l’autre rive… c’est bien là tout le charme. Pas de chance, nous ne sommes qu’une poignée de personnes à patienter à cette heure matinale et ce n’est donc qu’une quarantaine de minutes plus tard, lorsque le groupe s’est agrandi, que nous pouvons embarquer. Qu’importe, nous avons le temps et, le paysage alentour animé par les activités matinales des villageois, nous offre une distraction qui ne nous lasse pas. 


De l'autre côté, la lessive a commencé
A l'embarcadère














Vers 8h45, nous atteignons l’autre rive où Kali, notre guide francophone nous attend pour entamer notre visite. On croise l'éléphant du temple, occupé à recevoir sa toilette du matin.




Nous commençons notre parcours par la promenade de 4 kilomètres entre les temples de Virupaksha, proche de la ville même et toujours en activité, et celui de Vitthala qui fait partie du site archéologique.

Le temple Virupaksha : cette forme pyramidale est appelée un "Gopuram"

Laissant le temple de Virupaksha dans notre dos, nous empruntons la voie principale le long de laquelle se dressaient autrefois les boutiques et commerces où s’étalaient toutes les richesses de Vijayanagar. Sur la partie de l’avenue la plus proche du temple, les commerces sont toujours là mais les richesses d’antan ont fait place aux produits sous plastique et aux articles souvenirs destinés aux touristes. Les vendeurs et habitants ont encastrés leurs échoppes dans les vestiges de cette grande allée, autrefois destinée aux processions et bazar principal de la ville.
















A proximité du temple, trône une hideuse construction faite de plaques de tôles ondulées qui abrite un énorme chariot en bois utilisé pour les fêtes et processions. Dissimulé derrière son rempart de métal, nous n’en verrons pas grand chose. Autrefois, l’abri était en bois mais comme il a brûlé voici plusieurs années, les habitants ont préféré le reconstruire en tôle. Plus pratique peut-être mais certainement moins esthétique.

Avant même d’atteindre l’autre extrémité de la voie principale, à mi-hauteur, nous bifurquons vers la gauche afin de rejoindre la rivière Tungabhadra. En empruntant un chemin étroit, sinuant entre d’immenses éboulis de rochers, nous croisons des sadhus et très rapidement, nous atteignons un ensemble de ghats, le Chakra Tirtha.

Un des sadhus, en chemin vers son lieu de ... "travail"














L’endroit est encore désert et seuls quelques propriétaires d’embarcations circulaires faites de bambous semblent nous attendre. Kali nous propose de faire une partie de la promenade à bord d’une de ces barques et comme d’après lui, l’heure est idéale – il est 9h30, il ne fait pas trop chaud – nous nous laissons convaincre. Nous embarquons donc et glissons sur ces eaux calmes et lisses comme des miroirs.


A l’exception du clapotis de la rame touchant l’eau, le silence est total, la vue magnifique et Kali nous indique de ci, de là des bas-reliefs du passé ; ici un poisson, là une représentation d’un dieu, là encore un nandhi semblant garder l’entrée d’une grotte. Les rochers sont magnifiques… Au loin, nous distinguons des temples accrochés à la roche.




































Nous débarquons un peu plus loin et à l’aise, nous explorons les alentours ; rocailles, plantes, arbres, lézards, vestiges, sculptures,…











































































Nous passons devant la « balance du roi » : la croyance populaire voulait que pour les grandes occasions, on place d’un côté de la balance, le poids du roi en or, qu’il distribuait alors aux pauvres et aux démunis… Vrai ou faux, allez savoir, mais si c’était le cas, ils devaient tous espérer que le roi prendrait du poids …

La balance du roi

Avant de nous diriger vers le temple d’Achyuta Raya, dédié à Vishnou, nous faisons un rapide arrêt pour faire goûter un chaï à Karine.

Le coin "cuisine"
Le coin "chambre à coucher"
Le Bienheureux...



On reprend notre promenade, on passe une première enceinte et on pénètre dans le temple d’Achyuta Raya par un haut gopuram. Directement à droite, se trouve une salle aux 100 piliers où vaquent des familles de singes.




























Dans la seconde enceinte, se trouvent trois autres gopurams qui offrent des passages vers l’enceinte intérieure. On y trouve des sculptures de chevaux dressés qui sont typiques du style de Vijayanagar.


Les chevaux dressés, les "Yalis"























On repart par un sentier qui grimpe jusqu’au sommet d’une colline où nous pouvons admirer une vue panoramique. Sur le chemin, nous passons devant un petit temple dédié à Hanuman, le dieu singe.















Nous redescendons ensuite vers la voie principale en faisant un arrêt auprès du Nandi monolithique très stylisé dédié à Shiva. Comme souvent, le rocher a été directement façonné pour lui donner les traits du Nandi et ensuite, le temple a été érigé autour.

 














Sur le chemin du retour, quelques scènes du village (avec les bovidés à l'honneur), avant de retraverser la rivière pour rejoindre la guest house.


















Jour 2 : 

Comme la veille, nous faisons notre petite traversée matinale pour rejoindre Kali de l’autre côté du cours d’eau. Cette fois-ci, nous prenons un rickshaw pour parcourir la distance entre les différents monuments que nous allons découvrir. Tant qu’il fait encore frais et qu’il y a peu de monde, Kali nous propose de commencer la visite par le temple de Vitthala. Une longue allée bordée d’arbres et de blocs de basalte et de granit nous mène jusqu’au temple. Sur la gauche, on peut voir un large bassin d'eau.












L'allée vers le temple



Comme toujours, l’entrée est marquée par un gopuram. A l’intérieur de la cour, au centre, se dresse le temple principal dédié à Vishnou. Aux alentours, on découvre aussi une salle des fêtes ainsi qu’une salle d’audience. Sur la façade extérieure du temple, on admire les frises qui représentent, entre autre, des chevaux avec leurs palefreniers : on distingue bien la différence des visages, tantôt plutôt asiatiques (commerce avec les Chinois), tantôt européens (commerce avec les Portugais). D’autres merveilleux motifs aux allures de bijoux courent le long de la paroi.

Le gopuram de l'entrée, fait de granit dans la partie inférieure et de briques dans la partie supérieure











A l’intérieur du temple principal, se dressent 56 piliers avec une série de « yalis » qui s’y trouvent adossés. Ces yalis sont des sculptures caractéristiques de l’art de Vijayanagar et représentent des chevaux ou des animaux fantastiques (composés de plusieurs parties d'animaux différents), parfois chevauchés par des cavaliers.


Yalis avec cavalier


Un autre genre de Yalis

Une partie du temple est destinée à la salle de musique où l’on peut expérimenter – pour 50 roupies glissées au garde - les « fameuses colonnes musicales » sur lesquelles autrefois, les prêtres jouaient leurs mélodies lors des cérémonies. En fonction de l’épaisseur, de la taille de la colonne et de l’instrument que l’on utilisait pour la frapper, le son variait. Discrètement, le garde nous fait une rapide démonstration et nous pouvons en effet, entendre la différence des sons selon la colonne qu’il tapotait.

A droite du Yalis, les colonnes "musicales"


En face du temple principal se trouve un ratha de pierre (mot sanskrit signifiant « char ») tiré par deux éléphants. Kali nous explique que lorsque les Anglais ont découvert le ratha, il n’y avait aucun attelage. Parmi toutes les sculptures qui jalonnaient le site, ils ont donc sélectionné ces deux éléphants qu’ils ont placés devant le chariot. Initialement, les montures représentées étaient probablement des chevaux.



Le tronc d'un frangipanier ...


Nous quittons ce très beau complexe pour aborder les monuments de la ville royale, en commençant par le bain de la Reine. Au centre de l’édifice de forme carrée, se trouve le bassin principal : on y distingue l’évacuation pour les eaux usées, la rigole qui amenait l’eau d’un lac tout proche, aujourd’hui asséché, ainsi que quatre creux dans lesquels étaient insérés des piliers soutenant une grande pièce d’étoffe qui protégeait les femmes du soleil. Autour, courent des galeries avec des balcons derrières lesquels des musiciennes jouaient de leurs instruments et jetaient fleurs et parfums pour embaumer le bassin d’eau. La galerie est jalonnée de 24 petites coupoles autrefois richement décorées avec chacune des motifs différents.

Le bassin





L'arrivée d'eau ... du lac vers le bassin.
















4 des 24 coupoles :

























Prochain arrêt, l’enclos du Zenana. Il s’agit du quartier des femmes qui était entouré d’un mur entrecoupé par des tours de guet. Dans cet espace, on peut admirer le très beau Lotus Mahal aux formes élégantes et ses 24 piliers massifs. Autrefois, la façade était recouverte de stuc dont il ne reste que peu de trace. L’ambiance détendue que l’on pouvait sans doute goûter à l’époque est un peu (beaucoup) perturbée par une horde de collégiens en visite scolaire mais heureusement, nous aurons l’occasion de repasser par là un peu plus tard, lorsque l’endroit aura retrouvé un peu de sa sérénité.

Les 3 tours de guet :















Le Lotus Mahal













Par une ouverture dans le mur d’enceinte, nous atteignons la partie des étables aux éléphants et des logements de leurs cornacs (les hommes qui les dirigent et les soignent).

Les étables aux éléphants


Ensuite, c’est la visite du Hazara Rama, le temple aux « 1000 Ramas », qui était réservé à l’usage du souverain exclusivement. Le mur d’enceinte extérieur est décoré de scènes d’animaux (éléphants, chevaux), de loisirs (danseurs, musiciens) ou encore de guerre (soldats).


Ornements sur les murs extérieurs de l'enceinte


Dans la salle principale, on découvre quatre superbes piliers en basalte avec des représentations de dieux comme Ganesh, Hanuman ou encore Durga. Sur les murs extérieurs du temple, c’est l’histoire de Rama qui est contée au travers d’une série de reliefs variés, très finement gravés.








La légende de Rama



En se dirigeant vers le Sud, nous atteignons le complexe royal. A l’entrée, nous passons devant une imposante porte en pierre dont on n’ose imaginer le poids.



Le complexe royale est un vaste espace sur lequel ne restent que des vestiges mais où se dresse encore le Mahavanami dibba, une sorte de pyramide faite en partie de granit, de schiste et de basalte, et sur laquelle le roi trônait certainement lors des cérémonies importantes. On y trouve de nombreux petits bas-reliefs, joliment ciselés... jusque sur les marches des escaliers.


















Des encoches dans lesquelles on introduisait du bois mouillé afin de faire éclater le granit


Plus loin, on suit un aqueduc qui nous mène vers un bassin, en excellent état, fait de schiste.

L'aqueduc vu du haut du Mahavanami dibba




Nous partons ensuite admirer la colossale statue de Narasimha, qui fait près de 7 mètres de haut. Narasimha est l’homme-lion, un des avatars de Vishnou. A côté, une chapelle avec un lingam presque aussi grandiose que la statue du dieu. D’après Kali, tant que les sculptures représentant les divinités sont intactes, les gens viennent s’y recueillir. Dès le moment où elles sont endommagées, ils ne viennent plus y prier sous prétexte que la puissance de la divinité abritée par la statue s’est affaiblie.

Narasimha
Le lingam


En redescendant vers la ville, nous faisons encore l’un ou l’autre arrêt pour admirer quelques petits temples et bas-reliefs disséminés dans les roches, sans oublier deux superbes statues de Ganesh.


















Avant d’aller visiter l’intérieur du temple de Virupaksha, dans le centre, nous faisons une halte dans l’école dont Kali s’occupe. Il nous présente quelques élèves et nous explique son projet autour d’une tasse de chaï.



Nous terminons notre parcours en sa compagnie avec la visite de l'intérieur du temple de Virupaksha, qui nous parait bien terne face aux splendeurs dont nos yeux se sont gavés sur le site archéologique. Malgré tout, c’est l’occasion d’y revoir le locataire du lieu, à savoir, un éléphant de plus ou moins 24 ans, ainsi que des statues de Sarasvathi et Parvati, coincées dans une niche en hauteur, l’image renversée du gopuram à travers une lucarne ou encore le tableau représentant les dynasties et leurs symboles : la lune et le soleil pour l’immortalité, le poignard pour la protection, le sanglier … pour faire enrager les musulmans (d’après les dires de Kali …)




Nous clôturons notre journée par une promenade le long de la rivière et embarquons pour une dernière traversée vers notre guest house. Et là aussi, alors que l’on croit que tout est fini, il y a encore du spectacle. Assises sur les marches des vestiges d’un temple en compagnie d’un groupe hétéroclite de passagers, nous attendons patiemment la venue de notre embarcation qui doit nous déposer de l'autre côté de la rivière. Après dix minutes d’attente, une barque approche et c’est avec beaucoup d’étonnement que nous y voyons grimper, deux motos et leurs conducteurs. Nous pensions devoir attendre notre tour pour embarquer mais non, d’un geste bref de la main, le responsable de la barque nous fait signe de monter à bord. Après quelques acrobaties et une légère appréhension, nous prenons tous place, coincés de part et d’autre de la moto, l’autre engin étant installé sur la plate-forme avant, avec son pilote à califourchon dessus, en équilibre très précaire. Un petit hoquet de la part du moteur, et nous imaginons bien l’homme et la moto culbutant dans la rivière dans un ensemble parfait.
Arrivés au milieu de la rivière, le show commence. A chaque traversée, chacun doit payer son droit de passage (15Rs), la plupart s’en acquittent sans broncher mais ce jour-là, un petit groupe d’Indiens était bien décidé à resquiller. Le « boss » n’étant pas d’humeur à se faire spolier, de vifs échanges verbaux en kanada, se succédent ; incompréhensibles pour nous bien sûr mais, vu les grimaces des uns et des autres, nous les devinons acerbes et virulents. Ne parvenant pas à un accord, le responsable amorce un demi-tour, les passagers indiens commencent alors à s'exprimer avec plus d'excitation pour tenter de l’en dissuader. Nous observons tout cela d’un œil amusé en nous disant que cette traversée est vraiment trop cocasse, tout en nous demandant quand même si nous n'avions pas intérêt à payer la place des resquilleurs ... histoire de ne pas passer le reste de la soirée sur l’eau.
Mais comme souvent en Inde, les choses se réglent d’elles-mêmes : d'un coup, les fraudeurs abandonnent la partie, le « boss » récolte ses roupies et se dirige vers l’autre rive où le débarquement fut tout aussi épique. En effet, impatient de débarquer, le pilote de la moto situé sur la plate-forme avant avait déjà la roue arrière de son engin sur un des rochers de la berge alors que sa roue avant était encore sur le bateau ... tandis que celui-ci s’écartait de la rive... du fait que le responsable ne prêtait aucune attention aux mouvements de son embarcation, tout occupé à gronder une dernière fois les fraudeurs.
Enfin, après plusieurs tentatives et quelques cris, les deux motos sont débarquées et tous les passagers regagnent la terre ferme. Karine était enchantée de ne pas avoir raté cette traversée car les Indiens nous ont offert un petit spectacle bien pittoresque et le savaient, c’est ce qui fait tout leur charme.


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